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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 14:30

     Chère lectrice, cher lecteur,

 

     Voilà... Je n'en suis qu'à ma douzième lettre, et déjà je me heurte à une difficulté de taille dont je vous fais juge. Après une semaine plutôt épique, passée à essayer de garder l'équilibre dans tous les sens du terme, il m'a semblé opportun d'écrire une lettre traitant de l'art de tomber avec élégance. Or, pas moyen de trouver dans les écrits de mes chers amis les auteurs la moindre référence, le moindre ouvrage traitant du sujet d'une manière probante... A qui donc adresser ma missive?

 

     J'ai certes envisagé Albert Camus, auteur éminent d'un roman intitulé La Chute, mais en dépit d'une relecture pourtant active du texte, je n'y ai malheureusement pas trouvé la plus petite allusion à une plaque de verglas.

 

     A vrai dire, la seule citation sur le sujet qui me soit venue en tête en cinq jours de réflexion a été : "Si je dois tomber de haut, que ma chute soit lente". Cependant, vous comprendrez bien qu'il ne m'était pas possible d'adresser ma lettre à son auteur! Mylène Farmer est une chanteuse, d'abord, et même si certains lui confèrent du génie on ne peut pas dire qu'elle me soit assez familière ; et puis, tout simplement, je n'avais pas vraiment envie de me poser en admiratrice sans condition du texte d'une chanson qui s'appelle "Génération désenchantée"! Je me refuse à tout prix à être désenchantée, qu'on se le dise (et ceci dit sans aucune allusion à quelque conte de fée que ce soit)!

 

     Ma lettre s'adresse donc à vous, et je fais appel à votre culture littéraire : sachez que Philomène est intéressée par tout texte de tout auteur capable de l'éclairer un tant soit peu sur ce sujet périlleux qu'est la chute...

 

     En attendant, voici le fruit de mes petites réflexions de cette semaine, et vous pensez bien que ces derniers temps, vu les conditions météorologiques, j'ai eu le loisir d'approfondir l'aspect théorique de la question... et même d'expérimenter à plusieurs reprises certains faits dont je vais vous parler. Je me placerai bien sûr sur un plan absolument pratique, non dans une dimension théologique ou psychologique (j'en serais bien incapable!).

 

     Qu'est-ce que choir, donc?

 

     Considérons une plaque de verglas. Considérons ensuite un individu de sexe féminin, que nous nommerons Philomène, au hasard. La Loi de l'Emm... Maximum, plus communément appelée LEM ou loi de Murphy, ajoutée à la distraction légendaire du sujet considéré, fait que ladite plaque attire inexorablement celui-ci vers elle. Une chute sera donc inévitable : nous arrivons alors au coeur du sujet. Dans ma grande expérience, j'ai pu recenser quatre types de chutes différents:

 

     1) La chute en avant : mains et genoux au sol, le choc est rude. Il s'assortit de gracieuses écorchures sur les paumes, voire d'une déchirure très "tendance" du pantalon ou d'un filage de collant si le sujet est en jupe. Ce type de chute n'est pas sans rappeler celles des petits enfants courant derrière un ballon dans la cour de récréation, sauf que lorsque l'on est adulte, donc plus grand et plus lourd, cela fait encore plus mal et qu'un "bisou magique" sur la partie blessée n'est plus d'aucune efficacité.

     Remarque : cet évènement s'assortit généralement d'une verbalisation de la douleur, le plus souvent sous la forme d'un juron tel que "Saperlipopette", "zut" ou encore le mot de Cambronne prononcé avec véhémence. D'autres jurons plus virulents sont aussi possibles, mais je ne les citerai pas ici car je sais que mes parents lisent mes lettres et je souhaiterais les maintenir dans la douce illusion qu'ils ont réussi mon éducation.

 

     2) La chute en arrière : encore plus pernicieuse. La victime atterrit sur sa royale protubérance, prenant douloureusement contact avec le sol glacial et humide, ruinant ses vêtements et, par la même occasion, sa colonne vertébrale potentiellement déjà affectée d'un début de hernie discale. Ce type de chute est proche des légendaires accidents de patins à roulette remontant à la prime jeunesse du sujet.

     Remarque : même si l'intention y est, cette chute n'est accompagnée d'AUCUN JURON d'aucune sorte, puisque le sujet a forcément le souffle coupé. L'arrière-train en prend un coup mais, du moins, l'honneur et la politesse sont saufs.

 

     3) La chute sur le côté, à droite ou à gauche: avec rattrapage éventuel à un pilier animé ou inanimé. Par "pilier inanimé" j'entends bien sûr un poteau, un lampadaire, une barrière, un grillage, un horodateur, le retroviseur d'un véhicule utilitaire ou la portière d'une voiture  ;  par "pilier animé" j'entends un être humain, avec l'évidence que plus celui-ci est robuste, moins est grand le risque d'une réaction en chaîne type "dominos". Bref, mieux vaut s'accrocher à un rugbyman qu'à une octogénaire, sauf si celle-ci s'appuie elle-même sur un déambulateur. Mais, pour les filles,  vous comprendrez aussi l'intérêt qu'il peut y avoir à ce que la personne qui nous retient soit un individu musclé et chevaleresque... ( Navrée pour la grand-mère! )

     Remarque : dans ce cas précis, étant donnée l'éducation réussie du sujet (cf. point n°1), toute tentative de juron est aussitôt réprimée et remplacée par un discours contrit visant à se faire pardonner, surtout si cela a occasionné la chute de quelqu'un d'autre. Il est à noter que certains sujets particulièrement distraits parviennent même à présenter leurs excuses à un horodateur, heureusement sans témoin.

 

     4) Et enfin, l'esquisse de chute : la plus artistique et la plus fréquente. Le sujet, après avoir dérapé sur la plaque de verglas, parvient par un mouvement gracieux les hanches et/ou un élégant battement de bras, à rester sur ses deux jambes...

     Remarque : ici non plus, point de juron, mais un discret coup d'oeil panoramique aux alentours pour s'assurer que cet incident est passé totalement inaperçu, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas...

 

     J'en arrive à une autre interrogation : dans ce genre de situation, comment s'en sortir avec brio?

 

     Voici quelques conseils d'une experte pour ne point perdre la face...

 

     Dans le cas d'une chute en avant, faire mine d'avoir perdu quelque chose par terre et de le chercher frénétiquement peut éventuellement marcher.

 

     Dans l'éventualité d'une chute en arrière, il peut être efficace de fixer une personne du regard avec désapprobation et faire comme si son comportement était répréhensible, illustrant au sens propre l'expression suivante, un peu familière mais fort utile : "En tomber sur le derrière".

 

     Si vous tombez sur le côté, je me permets de vous conseiller de faire mine de vous intéresser à la personne sur laquelle vous avez atterri, par exemple en vous exprimant de la sorte : "Pardonnez-moi, mais votre manteau me fascinait... Il fallait absolument que je le regarde de plus près. C'est de l'alpaga? Puis-je être indiscrète et vous demander où vous l'avez acheté?"

 

     Enfin, dans l'hypothèse où ces tentatives désespérées ne rencontrent que le scepticisme et les regards goguenards des témoins de la scène, il ne me reste qu'à vous rappeler l'adage bien connu "Le ridicule ne tue pas" (j'en suis la preuve vivante) et à vous suggérer l'idée que, finalement, ce n'est peut être pas si mal que cela de faire rire les gens! Autant se joindre à eux! ( sauf bien sûr si vous devez aller à l'hôpital...)

 

     Merci de m'avoir lue jusqu'au bout, chère lectrice, cher lecteur, à une prochaine fois et prenez garde où vous mettez les pieds!

 

                                  Bien amicalement,

 

                                                           Philomène.

 

 

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commentaires

M
<br /> Chère Philomène,<br /> <br /> Apportant ma pierre à cette édifice épistolaire que vous bâtissez peu à peu, je me suis permise de vous recommander aux bons soins d'un mien ami qui a pour nom Miguel. Car s'il est peu probable de<br /> rencontrer des plaques de verglas (et encore moins des horodateurs !) quant on est "lost in ma Mancha", il n'en reste pas moins que son fameux personnage ne cesse de choir (de cheval) mais ne se<br /> laisse jamais pour autant démonter !<br /> <br /> Je vous communique son adresse : M. Miguel de Cervantès, en un Lugar, La Mancha, Espana<br /> <br /> Sincèrement,<br /> <br /> Maggy<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> <br /> Quelle heureuse suggestion Maggy!<br /> <br /> <br /> Que n'ai-je pas pensé à Don Quichotte, moi qui passe mon temps à me battre contre des moulins à vent!<br /> <br /> <br /> Je passerai votre bonjour à Miguel!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Chère Philomène,<br /> <br /> En bon britannique, je me permets de vous suggérer un compatriote qui s'y connaît en chutes. Il n'est certes pas question là de plaque de verglas, mais sa petite Alice choit longuement en tentant<br /> de rattrapper un lapin blanc... cocasse...<br /> <br /> Par ailleurs, je ne serais guère étonné au vu de son imagination délirante que ce cher Lewis ait lui-même été confronté au syndrome de la plaque de verglas, et ait expérimenté un modèle que vous<br /> n'évoquez - heureusement - pas : la chute sur la tête.<br /> <br /> Pour être le plus fervent de ceux qui s'excusent auprès des horodateurs, chère Philomène, je vous remercie pour cette vulgarisation de la chose qui me réconcilie avec ma face que je croyais perdue<br /> !<br /> <br /> Vôtre,<br /> <br /> Big Ben<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> J'en suis bien contente pour votre face, cher Big Ben. Et je trouve qu'un peu de politesse envers les horodateurs ne fait jamais de mal...<br /> <br /> <br /> Je vais me replonger dans Lewis Caroll (que j'ai longtemps pris pour une femme... à cause de Caroll!<br /> <br /> <br /> A bientôt!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />