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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 11:00

     Cher Illustre Philosophe,

 

     Vous me pardonnerez cette audace, qui me pousse à vous écrire alors que je ne connais pas grand chose de vous, mis à part les circonstances tragiques de votre mort, le renom que vous avez acquis depuis la Grèce Antique, et surtout cette illustre phrase qui m'a beaucoup influencée depuis mes cours de philosophie de Terminale...

 

     "Je sais que je ne sais rien..."

 

     Voilà qui est particulièrement vrai, et je ne parle pas ici seulement des cours de Mathématiques ou de Sciences Physiques, durant lesquels je regardais les professeurs avec des yeux vides de merlan frit, au fond desquels passait parfois une lueur de panique digne de celle d'une noyée voyant arriver la vague qui va la faire couler définitivement... J'en frissonne encore!

 

     Quittons ces souvenirs humides et traumatisants pour nous intéresser à cette citation bien sentie : je suis d'accord avec vous, ô Philosophe, pour dire que plus on explore un sujet, plus on se rend compte de sa vastitude (^_^ là je prends conscience de ma crétinitude), pardon, de son ampleur, et de tout ce qui nous reste à maîtriser pour le connaître dans sa totalité, sous réserve que l'on y parvienne un jour...

 

      Et, comme des exemples concrets valent mieux qu'un long discours...

 

     Je chantais l'autre jour avec ma chorale, et au terme d'un morceau à mon sens particulièrement bien réussi,  je me tournais vers ma voisine pour lui faire part de mon enthousiasme devant notre prouesse vocale, lorsque celle-ci me devança en déclarant :  "Il y a encore beaucoup de travail, j'ai trouvé les sopranes un peu fausses sur le mi bémol et nous avons mal respecté le rythme du duolet. A la troisième mesure, les basses ont pris un retard d'un demi-temps sur les ténors qui, eux, ne prononcent pas suffisamment les consonnes, ce qui empêche la bonne compréhension des paroles et fait perdre tout son sens au chant." J'ai replongé, penaude, mon nez d'ignare dans ma partition de débutante en me promettant de chercher bien vite dans une encyclopédie, voire sur wikipédia, le sens du mot "duolet" qui manquait à ma culture...et à garder pour moi mes opinions de profane!

 

     J'ai également pris conscience de mon ignorance lors d'une conférence sur l'Art Roman à laquelle j'assistais (oui, de temps en temps, j'aime bien essayer de me cultiver un peu...), intéressante certes, mais traînant "un peu" en longueur... Au bout de quatre heures d'affilée assise sur une chaise en paille, piquant de temps en temps du nez pour le relever aussitôt, penaude, et le tourner vers la fenêtre derrière laquelle brillait un soleil radieux comme une invitation à la promenade (quel supplice!), l'esprit de plus en plus distrait et imperméable aux mots "tétramorphe", "triforium" et "donatio legis", j'étais sur le point de faire un coup d'éclat en me levant d'un coup pour demander à la cantonnade : "Mais il y a-t-il quelqu'un ici qui comprend quelque chose et/ou qui ne lutte pas contre le sommeil? Auditeurs de conférences sur l'Art Roman de tous les pays, unissons nous contre la tyrannie culturelle qui réduit un sujet passionnant à l'état de somnifère pour insomniaques hyperactifs! Je vous ai compris!" C'est alors que mon voisin a pris la parole, l'air intéressé, intelligent et, surtout, vraiment réveillé, pour demander : " Mais j'aimerais en savoir plus sur les anges thuriféraires de part et d'autre de la mandorle centrale : à quel passage de l'Ecriture font-ils écho? Peut-on y voir les prémices d'un mouvement spirituel particulier?". Je suis retournée à ma rêverie, oubliant mes vélléités révolutionnaires et me promettant de regarder dans un dictionnaire le sens du mot "thuriféraire"!

 

     Il m'est arrivé plusieurs fois, tandis que je venais de terminer un livre un peu engagé, contenant une thèse sociale, de me congratuler intérieurement en me disant : " Je suis sur la voie de la culture, ça y est, je SAIS des choses, je pourrai désormais intervenir dans un débat portant sur ce sujet en ayant des choses intéressantes à dire et en m'appuyant sur des références précises! Je deviens plus mûre, plus adulte dans ma réflexion. Youpi!". Opinion tout de suite mise à l'épreuve dans les débats tant attendus, où, là encore, je luttais contre le sommeil et où je me révélais incapable de prendre la parole en glissant nonchalamment : "Comme disait Finkelzone..." ou "La thèse de Kopelmayer sur le sujet me paraît bien illustrer cette idée...". Et généralement, cela s'est terminé pour moi par une réflexion du genre : "Non, je n'ai pas tellement d'idées là-dessus, en revanche j'ai vu la dernière adaptation cinématographique de Jane Austen et j'ai trouvé l'acteur principal vraiment canon!"

 

     J'entends d'ici votre silence réprobateur, cher philosophe, et je le comprends. Mais vous m'accorderez le mérite, je l'espère, d'une certaine honnêteté face à mon manque de sérieux et de connaissances, qui va dans le sens de votre citation fort pertinente!

 

     Sur ces bonnes paroles, ô Socrate, comme j'ai de toutes évidence un certain nombre de lacunes intellectuelles à combler, vous comprendrez qu'il me faille prendre congé de vous afin de me plonger dans de gros volumes poussiéreux...

 

      Respectueusement,

 

                                                 Philomène.

 

     PS : ça a quel goût, la ciguë? Je crois que je vais aller chercher ça sur Wikipédia...

 

 

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 18:00

      Cher Jean,

 

      Alors que je classais, l'autre jour, de vieux cours de littérature sur votre tragédie Phèdre, datant de ma première année d'université (les cours, pas la tragédie!), je suis tombée sur une vieille définition qui a réveillé en moi plein de souvenirs.

 

      "Catharsis : selon Aristote, effet de purgation des passions, produit sur les spectateurs d'une représentation dramatique."

 

      Bien sûr, je me suis remémoré ce cours vieux de près de dix ans, me revoyant dans l'amphi poussiéreux, toute craintive à l'approche de mes premiers partiels,entendant encore la voix du professeur (par contre, curieusement, pas moyen de me souvenir de son nom, je me rappelle juste qu'il était barbu, et comme ils étaient un certain nombre dans ce cas-là cela ne m'avance pas à grand chose). Mais il m'est revenu aussi l'image que cette définition avait éveillé en moi : celle d'une foule de dames et de messieurs en habits du XVIIe, arrivant terrassés par le poids de leurs difficultés quotidiennes pour assister à la première de Phèdre, pâmés d'émotion devant le destin tragique de l'héroïne, transportés par ses errances, et ressortant tout guillerets du théâtre au bout de trois heures en disant : "ça va mieux!" voire "Finalement, mieux vaut être à nos places qu'à la sienne! Allons boire un coup!".

 

      Vous me pardonnerez, j'espère, cette vision un peu caricaturale (j'étais jeune!). Je me rappelle aussi m'être demandé si une représentation de Phèdre aujourd'hui produirait le même effet... J'en doute! Les interrogations de l'héroïne, sa mort, feraient-elles le poids face à notre quotidien, qui parfois peut se révéler aussi tragique?

 

      Je vais plus loin : faisons une expérience! Imaginons que Phèdre est dans la salle, et que sur scène se joue une tragédie des temps modernes, advenue, par exemple, à un personnage fort sympathique et fort malchanceux nommé Philomène...

 

      Règle de bienséance oblige, l'incident en question n'est point montré sur scène, mais il est raconté par la protagoniste à son confident, que nous nommerons Jean par commodité et complètement par hasard.

 

      Voici la scène : nous sommes à l'Acte V, le dénouement (fatal!) est tout proche. Je vous laisse juge!

 

 

"PHILOMENE

 

Mon cher Jean, il me faut à tout prix vous écrire,

En ce jour triste et froid où au tombeau j'aspire...

 

JEAN

 

Ma chère Philomène, allez, épanchez-vous,

Dites-moi vos malheurs, dites votre courroux!

N'avalez pas, de grâce, un poison foudroyant

Et parlez-moi plutôt, votre ami vous entend!

 

PHILOMENE

 

Je m'y résoudrai donc!

 

JEAN

 

                                          Vous ferez sagement!

Pour ce qui est du drame je suis compétent.

 

PHILOMENE

 

Voici donc le récit de mes sombres tourments :

Il m'arriva dimanche une mésaventure

Qui me laissa au coeur une triste blessure.

La mort de Phèdre est peu à côté de cela,

Et celle d'Hippolyte ferait rire aux éclats!

 

JEAN

 

Votre entrée en matière me fait d'horreur frémir,

Auriez-vous par hasard vu un proche mourir?

 

PHILOMENE

 

Ma voiture a subi une rude agression

Qui réduit sa portière à l'imagination.

Alors que je roulais, passant un carrefour,

Un jeune paltoquet à l'esprit un peu lourd

Voulait tourner à gauche et il ne m'a pas vue.

Il m'est rentré dedans, ma portière est fichue.

Il fut distrait c'est vrai par la maréchaussée :

Avait-il à l'esprit quelque chose à cacher?

Son adresse était presque égale à celle des dieux,

Il heurta ma clio qui tangua, justes cieux!

Un grand bruit de tôle, sinistre craquement,

Résonna dans la rue et jusqu'au firmament.

Sortant de ma voiture, genoux flageolants,

Je fus comme une mère pleurant son enfant.

"Hélas, ma chère amie, te voilà défoncée,

La portière en lambeaux, le rétro arraché!

Ta vitre automatique que j'aimais actionner,

Ne se baissera plus, comme je suis chagrinée!"

Désormais il me faut, aux barrières des péages,

Descendre de voiture, faisant rire au passage

Les badauds inconscients du drame que j'affronte.

Et je dois, à présent, vivre avec cette honte :

J'ai confié ma voiture à la réparation,

(Il s'en faut de trois jours pour cette opération)

Et me suis vue prêter une Ford en échange,

Elle est toute couverte d'inscriptions oranges

Vantant avec ardeur, là ma joie est complète,

Le talent étonnant du garage Debette. "

 

 

      Qu'en dites-vous, cher Jean? Pensez-vous que Phèdre sortirait du théâtre en se disant : " Finalement, mieux vaut me suicider pour échapper à la honte d'avoir déclaré ma flamme à mon beau-fils et trahi mon époux! Maintement ça va mieux!" (évidemment, elle le dirait en vers, voire en Grec Ancien!). 

 

      Sur ces considérations, il ne me reste qu'à vous présenter mes excuses pour ce crime de lèse-tragédie, à vous assurer de tout mon respect et à relire mes vieux cours que j'ai malheureusement un peu oubliés.

 

      Je vous laisse vous retourner tranquillement dans votre tombe, cher Monsieur Racine!

 

                                                      Philomène.

   

  

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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 20:56

      Bien cher Miguel,

 

      de retour de votre patrie bien-aimée, l'Espagne, je vous adresse cette humble missive en guise d'hommage vibrant.

 

      Si je ne m'appelais pas Philomène, je vous décrirais avec poésie de charme des rues madrilènes, la beauté mystique des tableaux du Gréco et le calme olympien du parc du Retiro et de ses fontaines.

 

      J'exalterais l'austérité grandiose du plateau du centre de l'Espagne.

 

      Je tenterais une esquisse des émotions ressenties en entendant un air à la fois sauvage et mélancolique de Flamenco s'échappant de la fenêtre entrouverte d'un bâtiment ancien.

 

      Je parlerais des Espagnols, traçant à grands traits une description de leur caractère, de leurs coutumes, ( voire de leur maillot de football!).

 

soupalognon-y-crouton

 

      Mais voilà... On ne se refait pas, et, si c'est à vous que j'écris, c'est parce que me suis sentie souvent, durant mon voyage, bien proche de votre fameux héros... Je parle bien sûr d'un certain Don Quichotte!

 

      N'allez pas vous imaginer la petite Philomène assise tant bien que mal sur un cheval efflanqué, galopant pathétiquement à travers la Mancha (Bon, d'accord, si vous y tenez, je vous accorde quelques instants pour contempler cette image burlesque... Vous avez bien ri? Maintenant reprenons!).

 

      Non, si mes pensées sont allées à ce pauvre Chevalier à la Triste Figure (et aussi à son accolyte Sancho Panza, mais ça c'était lorsque je goûtais aux spécialités culinaires locales, je me disais que si je mangeais trop de tapas je finirais par lui ressembler!), c'est en raison de ses bévues multiples, causées par une âme distraite.

 

      Je n'ai pas, comme votre héros, l'excuse d'être nourrie de romans de chevalerie au point de me faire perdre le sens du réel, mais voici un petit florilège de mes aventures madrilènes... Voyez plutôt!

 

      Au musée du Prado, arrivant dans la salle consacrée aux tableaux de Cour de Velasquez, au lieu d'être saisie par les qualités picturales des chefs d'oeuvre que j'avais sous les yeux, j'ai douloureusement pris conscience de l'étendue de ma culture quand mon premier réflexe a été de penser à "La Folie des grandeurs", et à entendre ce cher Louis de Funès dire ses plus célèbres répliques ("Elle ment Sire, elle ment en Allemand! Majesté, das ist eine Kolossale Konspirazionne!" ou encore "Vivat Don Salluste! Vivat notre bienfaiteur!"). Ce qui m'a valu un bon fou-rire toute seule...

 

      Au musée d'art moderne, après avoir contemplé des toiles de Picasso, Miro, Dali, et des sculptures plus ou moins figuratives, avoir contorsionné mon cou dans tous les sens pour parvenir à déchiffrer le message caché dans la toile abstraite d'un peintre espagnol très connu dont j'ai oublié le nom, j'ai observé d'un oeil de connaisseuse, pendant une bonne minute, la représentation très réaliste d'un homme en uniforme, admirant la fidélité de l'artiste aux moindres détails, avant de me rendre compte à ma grande  honte que je fixais fort impoliment le gardien de salle du musée. Rouge de honte, j'ai pris la fuite!

 

      Dans un petit magasin, une vendeuse très avenante s'est lancée dans un grand discours sans doute très intéressant, cherchant visiblement mon approbation... qu'elle n'a pas eue, car la seule chose que j'ai trouvée à dire a été : "Ben, je suis désolée, je comprends pas, j'ai fait Allemand!".

 

      J'ai aussi renouvelé allégrement mon stock de jeux de mots pathétiques par quelques trouvailles bien quichottesques, les plus illustres étant, je cite : "les Ibères sont rudes" (merci Goscinny!) et "on va vous arrêter pour tapas nocturne" (Si vous ne comprenez pas, cher Miguel, ou si vous ne riez pas, c'est que vous êtes probablement plus fin humoriste que moi!).

 

      Enfin, la tête pleine de récits de voyages épiques, j'ai testé mon esprit d'aventure en commandant au restaurant un plat au nom exotique et inconnu... et me suis retrouvée face à une banale omelette aux haricots verts... Cruelle réalité!

 

      Voilà. Vous comprendrez pourquoi je suis allée me recueillir quelques instant devant le monument érigé à votre gloire...

 

Madrid 2011 126

     

      Mon cher Monsieur de Cervantès, permettez-moi, avant de retourner prochainement me battre avec courage contre mes propres moulins à vent, de vous saluer avec déférence et de prendre congé de vous le buste incliné, le chapeau à la main et à reculons, selon l'étiquette en vigueur à la Cour...

 

folie des grandeurs

 

       ... car vous êtes le plus grand de tous les Grands d'Espagne!

 

             Humblement,

 

                            Philomène.

 

      PS : Olé!

 

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10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 21:47

     Très cher J. R. R. ,

 

     Cette lettre est une réhabilitation aux yeux de la société, que dis-je, une revanche sur des paroles un peu désabusées prononcées par un collègue au demeurant fort sympathique, qui a osé vous déclarer "moralisateur" aujourd'hui même!

 

     Quel scandale! Il mériterait d'être jeté vivant du haut de la forteresse de Minas-Tirith en guise de châtiment, ou pire, dans le feu destructeur de la Montagne du Destin.

 

     Mais non. Je serai aussi clémente que Frodon face à Gollum. Ce collègue a sans doute son rôle à jouer dans ce monde, il mérite donc que je lui laisse la vie et que je n'interfère pas dans son destin...

 

     A vrai dire, il ne se doute pas de la véracité de votre oeuvre, plus proche de nous qu'on ne le croit, et du fait surtout que depuis le début de la semaine je me sens habitée par un souffle épique qui n'est pas sans rappeler celui du Seigneur des Anneaux.

 

     Je ne suis pas, malheureusement, le belle Dame Eowyn qui, pour ne pas être laissée à l'arrière, se déguise en homme et monte volontairement à l'assaut sur le champ de bataille avant de tuer le Nazgûhl... Je suis bien trop peureuse pour cela, même si franchement mon petit côté féministe la comprend tout à fait!

 

     Non, je me vois plutôt comme un petit Hobbit, aspirant à la tranquillité, et obligé bien malgré lui d'accomplir des tâches qui le dépassent et dont il a du mal à comprendre le sens! (Rassurez-vous, cher J.R.R., ma comparaison avec un Hobbit n'ira pas jusqu'aux pieds, car les miens ne sont pas aussi poilus...).

 

     Je m'explique...

 

     Chaque matin, comme les autres Hobbits, il me faut quitter l'asile paisible de ma chère Terre du Milieu, à savoir mon lit douillet qui, curieusement, est à son summum d'hospitalité quand arrive 6h30, et mon appartement chauffé pour sortir dans le froid. C'est dur!

 

     Je traverse ensuite le Mordor, c'est-à-dire les embouteillages dantesques qui sévissent sur le carrefour d'à côté, avec pour seule protection les parois bien minces de ma petite Philomobile. C'est effrayant!

 

     Arrivée au travail, je me retrouve face à une nuée d'adolescents, dont une bonne partie n'est pas sans rappeler les orques en furie qu'affrontent la Communauté de l'Anneau et l'armée d'Aragorn, le tout sans lance, ni bouclier, ni épée. C'est périlleux !

 

     Lundi, j'ai déjeuné à côté d'une elfe, une jeune femme au brushing impeccable et au maquillage soigné, à la voix suave et au sourire éclatant, bref, d'une perfection insupportable, qui m'a fait me sentir minuscule : "Moi? Non, je n'ai pas de problème particulier avec lui... Il suffit de savoir s'y prendre, c'est plutôt facile! Je ne vois pas le problème!" ( A prononcer avec la voix du "Blond" dans le sketch de Gad Elmaleh). C'était... agaçant!

 

      Mardi après-midi, j'ai affronté le Balrog, qui n'avait pas l'allure d'un monstre hideux armé d'un fouet de feu, mais d'une charmante jeune fille de quatorze ans armée d'une chaise et debout sur une table, bien décidée à me faire passer de vie à trépas et à ne pas vider les lieux aussi facilement. Je n'ai pas trépassé, mais il s'en est fallu de peu, et je peux vous dire que j'ai été la première surprise de sortir vivante de la Moria. Ce fut épique!

 

      Et aujourd'hui, complétement obnubilée par le Seigneur des Anneaux, en heurtant dans un couloir (où il n'avait pas le droit d'être) un être humain haut comme trois pommes, j'ai été à deux doigts de lui lancer "Arrière, ôte-toi de mon chemin, Gimli fils de Gloïn!". C'était...tentant (mais j'ai résisté à la tentation, après tout c'est le Carème!).

 

      Il serait temps que la semaine se termine, sinon je risque de jeter bébé avec l'eau du bain, ou plutôt l'ensemble de ces chers petits avec l'Anneau dans le Montagne du Destin... Tant qu'à faire...

 

     "Un Anneau pour les gouverner tous"... Oui! J'achète! Je signe! Et je prendrai aussi un costume de Nazgûhl (tout est bon pour qui veut se faire craindre et respecter...)!

 

     Mais heureusement, les Hobbits finissent toujours par rentrer chez eux, par raconter leurs exploits guerriers (ce que je fais, précisément, cher J. R. R.), et par faire la fête en buvant de la bière (pour eux) et du Coca Zéro (pour moi). Ouf!

 

     Cher Monsieur Tolkien, je ne sais si vous vous doutiez, en écrivant vos magnifiques romans, que vous m'aideriez à supporter une semaine plutôt difficile, mais il s'avère que c'est le cas! Un immense merci!

 

     Recevez ma respectueuse reconnaissance,

 

                                                          Philomène.

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 16:00

     Chère Jane,

 

     C'est à nouveau à vous que je m'adresse... Je n'y peux rien, dès qu'il se passe quelque chose d'un peu exceptionnel chez nos voisins britanniques, c'est immédiatement votre nom qui me vient en tête! Et à plus forte raison aujourd'hui, alors que vient d'être remise au mythique Colin Firth une récompense cinématographique...

 

     Pourquoi mythique? Quelle question! N'est-il pas l'unique, le superbe, le magnifique, l'auguste, l'extraordinaire (j'en passe et des meilleures) Mister Darcy de l'adaptation non moins illustre de votre célèbre Pride and Prejudice à la BBC? Je ne vais pas m'extasier pendant des heures telle Lydia et Kitty Bennett devant Wickham, mais tout de même...

 

                                                                          images

 

     Lorsque j'ai appris la nouvelle, je me suis précipitée sur internet (mes accointances avec la littérature anglaise du XIXe siècle n'empêchent pas chez moi un petit côté "geek" bien XXIe...) afin de voir des vidéos de l'évènement, ou à défaut quelques photos glorifiant l'acteur, et par ce biais le personnage auquel vous avez donné vie!

 

     Quel choc, alors que j'avais en tête le personnage du téléfilm et du roman, de me trouver face à un homme respectable, talentueux, élégant et courtois certes, mais âgé de 50 ans!

 

                                                                          images 1

 

     Je savais, bien sûr, que mon film bien-aimé datait de quelques années. Je savais aussi qu'inévitablement les gens prennent de l'âge (un an de plus chaque année... Sur ce plan-là nous sommes tous égaux!). De plus, j'avais vu depuis Pride and Prejudice plusieurs films mettant en scène l'inénarrable Colin Firth ( y compris le film pour lequel il a reçu l'Oscar), le voyant petit à petit avancer dans la maturité...

 

     Il n'empêche que le choc a tout de même eu lieu! J'ai ressenti la même émotion, que dis-je, le même sentiment de trahison que lorsque j'ai découvert que Hugh Grant jouait désormais des rôles de méchants, que Cary Grant et James Stewart étaient morts, que l'acteur jouant le capitaine Von Trapp de la Mélodie du Bonheur - je ne me rappelle plus son nom - était devenu un très vieux monsieur et, par la même occasion, que Julie Andrews jouait désormais des rôles de grand-mères! La vie est parfois faite de douloureuses prises de conscience...

 

     Cela m'a amenée à la réflexion profonde (que sans doute des centaines de lecteurs et de cinéphiles se sont faite avant moi!) que l'avantage de la littérature et du cinéma était qu'ils pouvaient fixer leurs héros dans une période glorieuse de leur vie, et ce pour toujours! (Cette réflexion ne s'applique pas, bien sûr, à Quasimodo de Notre-Dame de Paris ni à Fantine des Misérables. Paix à leurs âmes...).

 

     Vous n'avez pas fait exception à la règle! Darcy, le capitaine Wentworth, Edward Ferrars, le colonel Brandon... resteront toujours, par la magie de la littérature, des icônes de jeunesse immuables... de même que leurs compagnes! Ces personnages ont fait rêver nos mères et feront de la même façon rêver nos filles!

 

     Vous imaginez un peu le scandale, à la fin d'Orgueil et Préjugés, si vous aviez, chère Jane, terminé par ces mots : "Le bonheur conjugal d'Elizabeth fut sans mélange et lui permit de longues et agréables discussions avec son époux, jusqu'aux 60 ans de celui-ci où le pauvre Fitzwilliam devint un peu dur d'oreille..."

 

     Quelle tristesse aussi, si de la même façon Marianne Dashwood devenait presbyte, si Emma avait des rhumatismes ou si Anne Elliott devait faire face aux crises de la quarantaine (pour elle-même!) et d'adolescence de ses trois fils (j'ai décidé qu'elle aurait trois fils, Jane, désolée si vous aviez d'autres projets!), rejetant l'autorité militaire de leur père et refusant d'entrer dans la marine anglaise. Je frémis aussi à l'image d'un Mr Knightley soutenant sa marche d'une canne...

 

     Bien sûr, avancer en âge est quelque chose de noble ; la vieillesse est souvent synonyme de sagesse, d'expérience et de sérénité, mais... pas pour nos héros! Quel soulagement de penser que le temps n'a pas de prise sur eux...

 

     Ceci dit, pour en revenir à ce cher Colin, que j'apprécie toujours beaucoup malgré le fait qu'il ait pratiquement l'âge de mon respectable père, je suppose que vous vous joindrez à moi pour le féliciter, chère Jane! D'autant plus que, s'il n'a plus l'âge de Darcy, je n'ai plus, non plus, l'âge d'Elizabeth!

 

     Cette lettre profondément futile (quel oxymore!), j'en ai peur, me donne tout de même l'occasion de vous remercier une fois de plus pour vos formidables romans, ma chère Miss Austen.

 

     Recevez la plus respecteuse considération de la petite (toute petite!),

 

                                                     Philomène.

 

 

                                                                                                                                   

                                                               

                                                                      

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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 18:05

      Cher Joachim,

 

     Pendant ses vacances, Philomène s'est promenée! Et je me suis sentie particulièrement proche de vous car c'est à Rome que je suis allée... Il me semble que cela vous est arrivé à vous aussi.

 

     Alors forcément, en tant qu'admiratrice officielle des poètes de la Pléïade en général, et de vous-même en particulier, vous pensez bien que j'ai eu dans la tête, durant tout mon séjour, votre célèbre sonnet qui commence par le vers suivant : "Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage..."

 

     Il m'a trotté en tête devant les palais romains au front audacieux...

 

     Lorsque je me suis extasiée devant le marbre dur...

 

     Quand mon coeur a été étreint par une émotion antique sur le Mont Palatin...

 

     En regardant serpenter calmement et harmonieusement le Tibre Latin...

 

     En respirant avec bonheur l'air marin (ou plutôt en regardant voler les goélands évoquant la mer toute proche, car l'air romain embaume tellement la pizza que les senteurs maritimes se font discrètes!)...

 

     Mais toutefois, cher Joachim, les comparaisons s'arrêteront là, car toute admirative que je sois de votre talent et de la beauté du sonnet en question, mon sentiment est bien loin du vôtre en rentrant de mon beau voyage!

 

     En effet, à l'inverse d'Ulysse qui est tout content de rentrer vivre entre ses parents le reste de son âge (et je le comprends, le pauvre! Dix ans à guerroyer puis dix ans à rentrer chez lui, il y a de quoi devenir le plus farouche des sédentaires sur plusieurs générations!), à l'inverse de vous-même, nostalgique du séjour qu'ont bâti vos aïeux, de l'ardoise fine et de la douceur angevine, je me serais bien vue rester un peu plus longtemps en exil là-bas.

 

     Effectivement, vous avez bien raison : rien ne vaut sa patrie, sa région, son village, ses racines, le cassoulet et le camembert, cocorico (euh, là, j'extrapole un peu, il ne me semble pas avoir relevé la moindre référence gastronomique dans votre poème que je connais pourtant très bien!). J'imagine bien qu'au bout de plusieurs mois, peut-être, on puisse arriver, hypothétiquement, à se lasser de la pizza, de la mozzarella, du tiramisu, de la bruschetta et des pâtes (j'arrête mon énumération avant que la nostalgie n'ait raison de moi) ; qu'on puisse trouver banal le Forum ; qu'on trouve la majesté du Vatican surfaite ; que l'on s'agace d'avoir le soleil dans les yeux à chaque coin de rue, etc.

 

     Mais il n'empêche que quitter une telle vision ...

 

153.JPG

 

     ... pour être accueillie, après une heure et quarante minutes de vol, par une température glaciale, une belle petite pluie fine et une grève à Orly, donne bien envie d'écrire, comme vous, un recueil de poèmes intitulé Les Regrets... Mais dans un autre sens que le vôtre!

 

     Pour vous prouver mes dires, cher Joachim, je vous envoie également la photo de la vue imprenable depuis la fenêtre de mon petit Liré (que j'aime beaucoup et qui est très confortable, mais tout de même, après Rome, cela fait un choc!).

 

173.JPG

 

     Mais il suffit! Ne nous plaignons pas et, plutôt que de cultiver des regrets, cultivons des souvenirs!

 

     Cher Monsieur du Bellay, je vous salue bien respectueusement et avec une affection renouvelée par l'air romain que comme vous j'ai pu respirer à mon tour (nous fûmes donc, à quelques siècles d'écart, en union respiratoire! Pourvu qu'il soit resté des traces de votre génie dans l'air!).

 

                                                    Philomène.                                                                                              

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 16:53

      Ma chère Sophie,

 

      J'ai bien conscience, en m'adressant à vous aussi familièrement, d'enfreindre toutes les règles protocolaires. Pensez-vous, donner du "ma chère Sophie" à une comtesse! Mais, si mes souvenirs sont bons, votre enfance russe vous a sans doute habituée à plus de naturel et moins de cérémonie! D'autant plus qu'il me serait très difficile de garder de la distance avec vous, qui êtes en effet l'une de mes plus anciennes amies, puisque je connais vos romans depuis ma plus tendre enfance...

 

     Toutefois, malgré l'affection dans laquelle je tiens tous vos personnages (en particulier l'inénarrable Bon Petit Diable), j'ai été un peu interloquée la semaine dernière, dans un contexte qu'il serait un peu long de décrire, de me voir qualifiée par une personne avec qui je travaille de "Petite Fille Modèle"!

 

      Comment cela?

 

      Le ton de la remarque était affectueux, certes, et j'estime beaucoup cette collègue qui en est l'auteur, mais elle contenait néanmoins un petit relent d'ironie qui m'a fait bondir intérieurement (je peux vous dire que j'étais loin de la douceur angélique de Camille et Madeleine!), pour différentes raisons.

 

      Tout d'abord, je trouve que se faire appeler "petite fille" lorsque l'on est plus proche par l'âge de la Mademoiselle Primerose d'Après la pluie le beau temps ou même carrément de Madame de Fleurville est un peu surprenant, voire agaçant lorsqu'après plus de cinq ans d'expérience professionnelle on pense avoir développé une certaine assurance, une maturité profonde, une réflexion et un recul dignes de toute la considération de ses collègues, et lorsque l'on met des talons qui claquent sur le sol, proclamant haut et fort son existence féminine pleine et entière!

 

      Et "modèle"? Pourquoi? Je me suis donc mise à réfléchir ardemment et j'en suis finalement arrivée aux conclusions suivantes:

 

      Effectivement, OUI, je pense que fumer c'est mal, surtout après la déplorable aventure de Maurice et Adolphe de Sibran qui mirent le feu au château de leurs voisins en allumant en cachette des cigares. Maurice s'est ensuite racheté et a connu une mort exemplaire, certes, mais dans d'atroces souffrances, donc très peu pour moi!

 

      NON, je ne vole pas de poupées comme la méchante Jeannette, la fille du meunier, qui en plus se tient mal à l'école et finit emportée par les gendarmes avec ses parents devant les yeux outrés du voisinage. Quelle horreur!

 

      OUI, je trouve cela très vilain de mentir et de faire des choses mauvaises : à cause de tout ce que Georges a fait endurer à sa pauvre cousine Geneviève et le destin qu'il a subi ensuite, je ne me vois pas tricher en remplissant ma déclaration d'impôt ou traverser en dehors des clous! J'aurais trop peur de mourir de la fièvre jaune à Veracruz!

 

      OUI, depuis le récit de l'indigestion de Sophie, victime de sa gloutonnerie pour s'être goinfrée de crème et de pain chaud (et aussi, je l'avoue, depuis une aventure personnelle de ce genre remontant à mon enfance!), je pense qu'il ne faut pas trop manger et que ce n'est pas beau !

 

      Bref, pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, la liste serait trop longue, d'accord, je suis une petite fille modèle. En plus, pour alimenter le cliché, j'ai depuis peu les cheveux au carré et j'habite dans une ville outrageusement respectable. Au secours!

 

      Mais par ailleurs, ce que j'aurais bien aimé répondre à cette collègue si j'avais eu plus d'aplomb et moins de respect pour son âge vénérable (si j'avais été moins "Petite fille modèle", en somme...), c'est que l'habit ne fait pas le moine ou, pour être plus précise, que la coupe au carré ne fait pas la Madeleine de Fleurville.

 

      Je vais sans doute vous choquer, ma chère Sophie, mais il m'arrive parfois de dire des gros mots! J'ai récemment, au volant de ma voiture, fait retentir un juron à faire s'évanouir Madame de Rosbourg! Il faut dire qu'un automobiliste venait d'emboutir ma portière, mais quand même! Quel scandale!

 

      Il m'est arrivé aussi, ô suprême horreur, dans une paresse sans nom, d'aller me coucher sans me laver les dents... La honte m'étreint...

 

      Et ce matin (je ne sais pas si je vais arriver à le dire... mais si, il le faut, ma confession doit être complète!), ce matin je me suis levée à onze heures... et j'ai regardé un film en pyjama! Quelle décadence, la mère Mac Mich doit se retourner dans sa tombe...

 

      Cependant, en dépit de ces entorses incommensurables au code de conduite des Petites Filles Modèles, il faut bien me rendre à l'évidence que ma collègue n'avait pas tout à fait tort... Et comme je n'ai nullement l'intention de m'offrir un tatouage pour lui faire plaisir, tant pis, assumons!

 

      Je recommence donc ma lettre à votre manière, j'espère que cela vous conviendra et que vous voudrez bien me pardonner mes écarts passés!

 

      "Ma bonne comtesse,

 

      Vous me voyez très peinée d'apprendre que vous êtes souffrante et que vous ne pourrez vous joindre à nous pour la partie d'ânes prévue ce jeudi. Les petites de Fleurville seront très déçues de votre absence, elles se réjouissaient tant de pouvoir pêcher des écrevisses en votre compagnie et de jouer à cache-cache ensuite avant de déjeuner sur l'herbe! Leur tristesse est d'autant plus grande que leur âne favori, Cadichon, vient d'être vendu et que leur bonne Elisa doit garder la chambre en raison de la petite vérole. Comme c'est triste!  

      J'ose espérer qu'aucun drame (accident de calèche, danger d'étouffement dans l'arbre creux, vol, incendie ou naufrage) ne se produira durant cette journée que nous attendons avec impatience, et qu'aucun caprice de cette pauvre Sophie ne nous obligera à l'enfermer dans le cabinet de pénitence au retour ou à la priver de dessert et de plat sucré...

      Peut-être serez vous remise le soir, vous pourriez alors venir dîner à cinq heures (j'ai bien conscience que l'heure est tardive, mais la promenade à dos d'âne risque de nous retarder) pour participer à la petite fête d'illuminations que ces chères petites ont préparé pour fêter le retour de M. de Rosbourg et de Paul d'Aubert (Ils ont fait naufrage et vécu à moitié nus chez les Sauvages, j'en frémis d'horreur). Elles ont préparé des lampions en versant de la cire dans des coquilles de noix, ce sera charmant. Nous les avons autorisées à veiller pour l'occasion, elles se coucheront à huit heures (un peu de largesse ne nuit pas aux enfants dans le cadre d'une éducation stricte dispensée avec amour). Nous avons convié quelques voisins, les Rugès, les Traypi et les Sibran... "

 

      Hé hé! Je suis toute réjouie et je pardonne volontiers à ma collègue qui m'a permis un exercice de style plutôt réjouissant!

 

      Je vous salue bien respectueusement, bien sagement, bien poliment et bien gentiment, Madame la Comtesse de Ségur!

 

                                               La petite Philomène modèle.

 

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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 17:28

     Cher Paul, cher Théophile, cher Charles, cher Guillaume, et caetera,

 

     Pour cette lettre, je n'avais que l'embarras du choix! En effet, c'est un thème courant dans la poésie française que celui des oiseaux... Qui d'entre vous ne s'est pas attardé à la contemplation béate d'un vol de mouettes majestueux, ne s'est pas risqué à des comparaisons hardies avec tel ou tel de ces chers volatiles, le sage hibou, le mélodieux rossignol, l'aigle rapide, qui ne s'est pas senti lui-même proche plus particulièrement de l'un d'entre eux (je pense à un certain albatros, n'est-ce pas, Charles...)?

 

     Oui, vous Poètes, vous aimez les oiseaux, leurs gazouillis romantiques, leurs ailes symboles de liberté et leur innocence, et vous les chantez sans fin. Le monde semble pour vous idyllique et serin (pardon, serein!).

 

     Je me permets donc de venir nuancer ce lieu commun charmant, certes, mais quelque peu réducteur! N'ayez pas peur, je ne vais pas vous voler dans les plumes, mais je tenais à vous parler de mon nouveau voisin.

 

     Il s'agit, donc, d'un oiseau : tourterelle ou pigeon, je n'en sais rien, puisque je n'ai pas encore eu l'occasion de le voir! Mais en revanche, j'ai eu à de nombreuses reprises l'occasion de l'entendre, puisqu'il a fait son nid au dessus de ma fenêtre, et je peux vous dire qu'il roucoule! On dirait un amoureux transi un soir de Saint Valentin!

 

     Tous les matins à la même heure, il me réveille en chantant dès le lever du soleil. Ce n'est pas très grave, puisque quatre jours par semaine je me lève bien avant lui... Mais les autres jours, ceux où théoriquement je pourrais faire la grasse matinée, il semble avoir fait sien et vouloir me convertir à l'adage bien connu qui affirme que "le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt"  : je suis totalement d'accord avec ce principe, mais pas le samedi et le dimanche, qu'on se le dise!

 

     J'ai bien essayé d'échapper à ses trilles (tête sous l'oreiller, boules quiès...) mais rien n'y fait. Inévitablement, je me lève le week-end en proie à des envies irrépressibles et sanguinaires de pâté d'alouette ou de tir aux pigeons... Moi qui pensais être pacifique!

 

     Afin d'éviter de me livrer à des actes répréhensibles, violents et sévèrement réprouvés par la SPA, et parce que moi aussi, au fond, j'aime bien les oiseaux quand même, j'ai décidé de vous imiter et de composer à mon tour un poème sur le sujet, en manière de catharsis. Il sera, vous le comprenez bien, très personnel et fortement marqué par mon expérience récente avec le volatile qui partage ma fenêtre et a depuis peu pris une place importante dans ma vie.

 

     Il s'intitule "Mon voisin à plumes" et pourra facilement être mis en musique sur n'importe quelle mélodie d'Edith Piaf.

 

Mon voisin à plumes

 

Toi qui, le matin très tôt,

Petit oiseau,

Viens me chanter la sérénade,

Petite pintade,

Et me régales de doux sons,

Petit pigeon,

Car près de moi tu fis ton nid,

Doux canari,

 

Toi qui près de moi bats des ailes,

Ô tourterelle,

Avec le bruit d'un réacteur,

Martin-Pêcheur,

Qui te cognes contre mes volets,

Chardonneret,

Et me réveilles "doucement",

Beau Goéland,

 

Tu sembles bien avoir décidé,

Héron cendré,

De me pourrir la vie sans vergogne,

Belle cigogne,

Chaque matin tu es à la fête,

Petite mouette,

Avec un plaisir très pervers,

Petit pivert!

 

Et de mon malheur tu jubiles,

Ô volatile!

Mais, tant que tu le peux, roucoule,

Petite poule,

Je fourbis ma riposte hardiment,

Cher cormoran,

C'est donc dit : à toi je m'oppose,

Doux flamant-rose!

 

Je mettrai du sel sur ta queue,

Ô moineau bleu,

Te ferai périr sans délais,

Beau perroquet,

Car je suis d'une nature farouche,

Bel oiseau mouche,

Je prépare ton épitaphe,

Tout petit piaf.

 

     Voilà! Et s'il n'est pas sensible à la poésie, il me restera toujours la solution d'ouvrir bruyamment mes volets et de chanter à tue-tête les jours de semaine pour me venger de lui! Ceci dit, je pense que mes autres voisins ne vont pas être contents...

 

     Chers amis poètes, je vous salue bien bas, tout en me félicitant modestement de vous avoir éclairés sur ce point précis et en savourant le plaisir d'avoir ajouté un nouveau chef d'oeuvre au paysage poétique français!

 

     C'est donc en proie à une hilarité certaine que je prends respectueusement congé de vous, Messieurs Verlaine, Gautier, Baudelaire et Apollinaire!

 

                                                              Philomène.

 

 

 

 

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4 février 2011 5 04 /02 /février /2011 21:32

      Cher Eugène,

 

      Je pense souvent à vous en ce moment. Même si vous n'êtes plus de ce monde, l'absurde n'y est pas mort! Il est même plus présent que jamais et pas seulement au théâtre...

 

      Je vous propose un petit jeu : il s'agit de retrouver où j'aurais pu entendre ces quelques phrases charmantes, tout à fait dignes des répliques des personnages de la Cantatrice Chauve!

 

      1) "Mademoiselle,

      Nous avons bien pris note de votre réclamation concernant les difficultés que vous rencontrez à installer le téléphone depuis votre livebox. Vous n'entendez aucune tonalité en dépit des branchements irréprochables que vous avez accompli en suivant à la lettre nos indications et en vous déplaçant en personne à l'agence de téléphonie la plus proche, et ce malgré l'activation de votre ligne téléphonique remontant à plus de huit jours : nous en concluons donc qu'il y a un problème.

      Afin de le résoudre, nous vous recommandons de contacter au plus vite, par téléphone, le service clientèle.

      Merci de nous avoir choisis, recevez nos cordiales salutations!"

 

 

      2) " Bonjour, Mademoiselle Philomène, c'est l'assistante de votre dentiste à l'appareil! J'ai bien reçu votre message et pris note que vous aviez vraiment très mal aux dents, que cela vous empêchait de dormir la nuit, vous empêchait de manger autre chose que de la purée et vous contraignait à prendre quatre Doliprane par jour : j'ai donc pu vous libérer un créneau sur le planning. Seriez-vous diponible dans six mois, à 7h30?"

 

 

       3) " Arrivée à destination dans deux heures et trente-cinq minutes d'embouteillages. Vous êtes toujours sur l'itinéraire le plus rapide."

 

 

       4) "Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Votre attention s'il vous plaît!

       En raison d'une panne de train en gare de Saint-Pourçain-sur-Sioule dûe à un problème électrique dû à une défaillance des câbles d'alimentation dûe aux incisives acérées de pauvres rongeurs en proie à un appétit féroce dû à une pénurie de nourriture dûe à l'hiver rigoureux dû au réchauffement climatique dû à la pollution dûe à l'Homme inconscient du devoir de protéger la précieuse planète sur laquelle il vit, donc, en bref, dûe à vous, Passagers Infâmes, le train dans lequel vous attendez depuis 3/4 d'heure est bloqué en gare de Tilloy-les-Mofflaines pour une durée indéterminée. Nous vous recommandons donc de patienter, d'annuler votre séance de cinéma prévue, de renoncer à  partir  voir vos amis, de rentrer chez vous pleurer sur la déchéance de votre vie sociale en terminant pour tout dîner le paquet de nems entamé dans le frigo. Merci de votre compréhension, de ne pas vous jeter sanguinairement sur le contrôleur ni de donner des coups de pied dans les portes du train pour vous défouler."

 

 

      5) "Je suis extrêmement satisfait du travail que vous fournissez. Vous êtes efficace, compétente, ouverte! Nous ne saurions vous passer de vous. En conséquence, je ne vous accorderai pas l'augmentation que vous me demandez..."

 

      Eh bien, cher Eugène, avez-vous deviné? Si vous trouvez du sens à tout cela, pensez à m'écrire! En attendant, autant se consoler en citant ce cher Pierre-Augustin : "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer!". Nous vivons vraiment dans un monde étrange...

 

      Mes respects, Monsieur Ionesco, transmettez mon bonjour à Bobby Watson (il paraît qu'un quart d'heure avant sa mort, il était encore en vie)!

 

                                             Philomène.

 

 

 

 

 

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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 10:45

     Cher Christophe,

 

     Avant de vous écrire, j'ai fait de minutieuses recherches... Vous êtes, à n'en pas douter, la personne idéale à qui adresser cette lettre, mais j'ignorais si vous étiez vous-même auteur... Vous comprenez, même s'il m'est déjà arrivé de déroger à la règle que je me suis imposée, je tiens quand même à la respecter dans la mesure du possible. Mais tout s'arrange, puisque j'ai découvert avec soulagement que vous aviez écrit un journal de bord et aussi un certain nombre de lettres...

 

     A vrai dire, c'est surtout à l'illustre navigateur que vous êtes que je souhaite m'adresser... Au courageux marin, luttant sur son frêle esquif contre les éléments déchaînés, mer en furie et vents contraires, avide de découvertes, intrépide, audacieux, qui s'élance comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, partant ivre d'un rêve héroïque et brutal (c'est drôle, en écrivant cette phrase, je me rends compte qu'elle me rappelle quelque chose... mais quoi?). Au visionnaire aussi, plein de science et d'espoir, désireux d'élargir ses horizons en s'élançant à la découverte d'un Nouveau Monde, et que j'imagine tout à fait penché à l'avant de sa blanche caravelle, à regarder monter, dans un ciel ignoré, du fond de l'océan des étoiles nouvelles (voilà que cela recommence...Il faudra que j'en parle à mon ami José Maria, il doit savoir d'où cela vient, lui!).

 

     Je rajouterais bien à mon panégyrique le sens de l'orientation infaillible, mais il me semble que vous avez tout de même commis une erreur de taille... que je vous pardonne aisément, d'abord parce qu'elle nous a valu la découverte d'un continent plutôt fascinant et, en faisant un raccourci grossier, de goûter au charme du coca-cola, ensuite parce que je suppose que je n'aurais pas fait mieux, moi qui suis depuis peu une fervente adepte du GPS!

 

     J'aime beaucoup mon GPS. On me l'a offert récemment, et je ne cesse de découvrir ses nombreux avantages, à commencer par celui de ne plus avoir à gérer en même temps le volant, le levier de vitesse, l'autoradio, les essuie - glace, la carte (toujours orientée dans le mauvais sens, il faut bien l'avouer!) et l'agressivité des autres conducteurs, fort marris de vous voir hésiter et traîner sur la route (ils ne s'imaginent pas, eux qui demeurent dans la région, la difficulté qu'il peut y avoir à trouver la charmante petite bourgade de Tilloy les Mofflaines).

 

     Un autre avantage du GPS est la possibilité (et tant pis pour mon image de marque!) de pouvoir répondre avec virulence et de s'en prendre à quelqu'un, qui de toute façon ne vous répondra pas (hé hé!), lorsque l'itinéraire ne vous semble pas adéquat et que la route est barrée ; ou encore la possibilité de se lancer des petits défis, comme celui de grignoter des minutes à l'heure d'arrivée prévue. Je suis sûre que je ne suis pas la seule à faire cela. Je vous imagine très bien, si vous aviez eu un GPS sur la Santa Maria, en train de faire la course avec lui. "Arrivée aux Indes prévue dans 3 mois, 22 jours, 13 heures et 18 minutes? Hardi, matelots, il va falloir se donner du mal! Je suis sûr que nous pouvons le faire en 3 mois et 21 jours, si on se dépêche après les embouteillages de la sortie du port de Gênes!"

 

     Cependant, lorsque l'on passe, comme moi, beaucoup de temps sur la route, utiliser un GPS peut avoir quelques effets secondaires, le principal étant la tendance à entendre sa voix suave en permanence, même hors de sa voiture...

 

     Ainsi, lorsque je m'assieds à mon bureau pour travailler, la phrase "Arrivée prévue dans 7 heures et 30 minutes " me vient immédiatement en tête, et je commence aussitôt à planifier mes pauses (après tout, il est dangereux de conduire plus de deux heures d'affilée - et pour le travail, un petit tour toutes les demi-heures est préférable). Lorsque j'aperçois au loin un collègue particulièrement bavard, je pense tout de suite à "Tournez à droite et prenez la sortie!" et je m'engouffre dans le premier couloir pour lui échapper (je sais, c'est mal). Et le pire, c'est que l'autre jour  je me suis retrouvée à marmonner "Faites demi-tour dès que possible!" devant la porte du dentiste.

 

     Pour terminer, car j'imagine, cher Christophe, que vous n'avez pas toute la journée, je me suis dit que ce serait plutôt pratique d'inventer des GPS qui nous guideraient non seulement sur la route, mais aussi dans toutes les circonstances de la vie. Comme ce serait confortable, devant des choix cruciaux, d'avoir une voix pour nous guider, sans hésitation possible... " Partez en Norvège pour les vacances" , "Evitez cette personne! Elle va vous dire quelque chose de désagréable!",  ou " Ouvrez le placard, et choisissez la robe bleue pour ce dîner. Non, ne vous inquiétez pas, elle n'est pas trop habillée. Si, je vous assure, vous serez jolie. Faites-moi confiance!" ou pour finir " Cette relation est une impasse - prenez la sortie!"

 

     Mais ceci dit, vue comme cela, la vie courrait le risque d'être un peu ennuyeuse. Après tout, les erreurs et les doutes ne sont-ils pas le sel de l'existence? Vous en savez quelque chose, puisque c'est à l'une de vos erreurs que l'on doit la découverte de l'Amérique!

 

     Sur ces bonnes paroles, je vous souhaite, cher Monsieur Colomb, une traversée clémente et vous salue respectueusement!

 

                                               Philomène.

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